Sibylla avait gentiment déposé la jeune musicienne qu'était Eliana devant son nouvel établissement. Il avait l'air vaste, au moins autant que sa maison de Venise.. Voir plus. Il contenait apparemment plusieurs bâtiments. Sûrement un gymnase, une partie pour le théâtre, une pour la cuisine, l'informatique, ou encore la musique. En voyant cette liste des clubs... La jeune fille n'avait pas hésité un seul instant. Le seul mot qui franchit ses lèvres fut "Musique."
Elle espérait que ce club musique serait au niveau de ses attentes. Elle voulait trouver d'autres personnes aussi passionnées qu'elle...
Enfin... Eliana était heureuse de changer un peu d'air. En Italie, tout le monde ne voyait que son nom de famille... "Oh, tu fais partie de la famille Di Conti ? Quelle chance !" ou bien "Eliana Di Conti ! Je voudrais que l'on soit amies tu sais... Mes parents aimeraient beaucoup rencontrer les tiens" C'était le genre de phrase qu'elle entendait sans arrêt...
Personne ne l'aimait pour ce qu'elle était réellement. Seul son nom faisait sa "popularité" auprès des autres adolescents... Au moins au Japon peut-être moins de personnes connaîtraient-ils l'affaire de son père et de son grand-père...
La gouvernante l'avait même aidée à porter sa valise jusqu'à sa chambre. C'est sûr que porter à la fois, une guitare, une basse, un ampli, et un clavier plus une grosse valise... C'était dur.. Heureusement, sa flûte traversière était rangée dans sa valise, entourée de vêtements pour ne subir aucun dommage.
A l'administration, on lui avait donner les clés de sa chambre et on l'avait prévenue qu'elle y serait seule. Pour l'instant du moins. Elle avait été admise en troisième année. Un plan détaillé de l'endroit lui fût donné et elle se rendit ainsi compte de la véritable grandeur de l'établissement. Elle avait un sens de l'orientation plutôt bon mais elle était quasiment certaine qu'elle finirait par s'y perdre...
Arrivée devant la porte de la chambre n°21, environ un quart d'heure après être sortie de l'administration, elle fit tinter ses clés et sourit à Sibylla :
- Merci beaucoup Sibylla ! Je vais me plaire ici, je le sens. Je te rendrai visite tous les week-end je te le promets. Et si Serafino venait à passer quelques jours ici au Japon, dis le moi je veux le voir !
Oui... Elle lui parlait en italien. Elle se sentait mieux en parlant dans cette langue. Après tout, c'était sa langue maternelle... Ou plutôt paternelle si ça se disait. La gouvernante lui adressa un sourire chaleureux et lui répondit, mais en Japonais cette fois.
- Eliana, je t'ai déjà dis de parler japonais. ça ne peut que t'aider pour la suite !
Il est vrai que les gens ici ne parleraient pas Italien... Il fallait vraiment qu'elle se décide à toujours utiliser le Japonais, et c'est pour ça qu'elle lui répondit, en Japonais...
- Gomen... Je ferais de mon mieux.
Elle finit tout de même par ouvrir la porte de sa future chambre. La clé fit un petit bruit qui lui indiqua que le verrou était débloqué. Quelqu'un la rejoindrait-il ? Aurait-elle des amis ? Arriverait-elle à réaliser son rêve ?... Tant de questions... Il fallait qu'elle se calme...
La jeune fille avait un peu peur que quelqu'un la rejoigne ici ; elle aimait la solitude et n'était pas rassurée quant au fait d'avoir une... Ou un colocataire. Elle ne s'entendrait peut-être pas avec elle, ou lui. Pire, si c'était un garçon... Elle ne pourrait pas dormir la nuit, beaucoup trop gênée...
Elle poussa doucement la porte et découvrit une pièce de taille moyenne où deux lits étaient disposés non loin d'une porte fenêtre donnant sur un tout petit balcon. Eliana choisit le lit de droite, plus isolé et plus proche de la salle de bain. A côté de son lit, une grande armoire ou elle comptait bien ranger ses affaires ainsi que son clavier et sa flûte.
Elle posa la valise sur le lit qu'elle s'était désigné et observa longuement la pièce. D'un bleu pâle, l'harmonie de la peinture des murs était parfaite avec les rideaux blancs transparents.
Elle demanda gentiment à Sibylla de laisser sa guitare et sa basse dans un coin de la pièce et de déposer le clavier sur le bureau, en attendant de lui trouver une place plus convenable.
La gouvernante s'assura que tout allait bien pour Eliana. Et c'est avec une larme qu'elle signifia que c'était l'heure de se dire au revoir.
La jeune fille de 19 ans serra Sibylla dans ses bras un long moment. Qu'aurait-elle pu faire sans cette femme si généreuse ? Rien. Aurait-elle vécu jusqu'à maintenant ? Certainement pas. Elle lui devait tellement... Quitter sa mère ne lui avait causé aucune tristesse alors que délaisser cette femme de 40 ans lui brisait presque le coeur. Elle avait été sa seconde mère.
Après plusieurs longues minutes d'étreinte, Eliana regarda la gouvernante et lui fit ses adieux... Elle la regarda s'éloigner dans le couloir. Ce si long couloir... Elle ne retourna dans sa chambre que lorsque Madame Esposito eu disparu de son champs de vision. Elle se sentait seule... Mais d'une solitude anormale.
Elle ouvrit sa valise et en sortit précieusement sa flûte traversière. Elle avait beaucoup d'instruments avec elle et elle espérait que ça ne dérangerait pas son colocataire si jamais elle venait à en avoir un. Elle ne pouvait en aucun cas s'en défaire. Oui... Quatre instruments c'était peut-être exagéré, mais la musique faisait partie de sa vie. La musique était sa vie. Elle consacrait sa vie à l'harmonie des notes sur une partition.. En contrepartie, cette partition aidait ses poumons à utiliser l'oxygène contenu dans l'air, et son coeur à battre.
Elle sortit son clavier de sa petite mallette noire... La simple vue de cet instrument qu'elle chérissait plus que tout lui réchauffa le coeur.
Elle décida de le laisser sur le bureau pour aujourd'hui et de le placer sur le trépied prévu rien que pour lui le lendemain. Elle ferma les yeux un moment.
Cette solitude qu'elle avait ressenti en voyant Sibylla la quitter... Cette impression de vide s'en allait. Elle se sentait mieux à présent. Elle effleura les touches noires et blanches du clavier... Ce contact si doux la rendait sereine, et libérée de tout stress, de toute peur...
Elle rouvrit les yeux, et commença à jouer... Une douce mélodie envahit la pièce. C'était son morceau préféré. Cette berceuse si enivrante... Ce son si harmonieux... Eliana avait maintenant l'impression de pouvoir affronter tous les dangers.... Vraiment, la musique lui donnait la force de vivre. La force de faire face à toute situation... Et elle espérait du plus profond de son coeur que cela pourrait durer... Tout au long de sa vie...
Elle continua de jouer... Les minutes passaient, peut-être les heures... Elle ne regardait pas le temps défiler... Elle s'en moquait à présent...